Développement durable et croissance molle
Cela fait quelques dizaines d'années que nous avons adopté le "développement durable" comme projet de société, et cela fait quelques dizaines d'années que nous souffrons d'une croissance molle. Personne n'ose établir de corrélation entre les deux : les simples mots de "développement durable" recèlent tant de vertus, tant de promesses, qu'il faut avoir l'esprit bien mal tourné pour s'en inquiéter ; la vertu ne conduit-elle pas au succès ? N'est-elle pas un jour ou l'autre récompensée ?
Fausses vertus
La réponse est négative, l'histoire le montre bien, même lorsqu'il s'agit de vraies vertus. Mais ici, comme nous allons le voir, le développement durable est constitué de vertus qui ne résistent pas à l'analyse. Le peu qui subsiste est banal et ne mérite pas le nom de principe.
Ce n'est donc pas simple corrélation entre développement durable et croissance molle : c'est bel et bien causalité ; c'est parce que nous nous sommes dotés de règles infondées que notre croissance ne se fait pas.
Développement présent, développement futur
Tout d'abord, où est le développement ? Depuis trente ans, nous accumulons les dettes et perdons progressivement en compétitivité. Cela concerne aussi bien notre niveau scientifique, jadis excellent et aujourd'hui médiocre, que les parts de marché que notre industrie préserve : elles fondent d'année en année.
La question n'est donc pas d'un développement durable, mais d'un développement tout court, et il y a beaucoup à faire à ce propos. Avant de nous soucier de l'avenir de notre développement, il faudrait en assurer le présent.
Maintenant, nous allons voir que ce sont précisément les vertus sur lesquelles nous asseyons notre développement durable qui en brident le présent. Bien sûr, nous ne pouvons envisager tous les aspects, et nous nous en tiendrons aux principaux.
Économiser les ressources énergétiques
On nous le répète constamment : il faut économiser l'énergie ; les ressources ne sont pas inépuisables.
Mais, même si nous savions avec précision quelle est l'étendue des ressources (ce qui n'est pas le cas), nous n'aurions aucun moyen de les gérer. Quelle part utiliser maintenant ? Quelle part réserver pour la prochaine décennie ? Dans cinquante ans ? Aucun outil, aucune théorie, ne permettent de décider cette répartition. Le mieux est de faire confiance à l'ingéniosité humaine : utilisons au mieux les ressources disponibles actuellement, pour répondre à nos besoins et développer notre compétitivité et notre civilisation, et lorsque ces ressources seront épuisées, nous en inventerons d'autres.
Imaginons que nos ancêtres se soient dit : "Nos pauvres descendants du 21ème siècle ! Ils risquent de manquer de bougies ! Faisons pour eux des stocks de stéarine." Nous n'aurions jamais inventé l'électricité.
Respecter la planète
On nous le répète constamment : l'homme doit limiter son "empreinte écologique", c'est- à-dire laisser le moins possible de traces de sa présence sur la planète. En d'autres termes, il faut tendre vers une situation "naturelle", comme si la race humaine n'existait pas.
Mais la Nature, à ce jour, ne s'est jamais aperçue de l'existence de l'homme, totalement négligeable sur la planète. Elle nous laisse croître et prospérer à notre aise. L'humanité a doublé en nombre en cinquante ans et la durée de vie n'a jamais été aussi longue.
En feignant de croire qu'il peut infliger quelque dégât que ce soit à la planète, ou bien au contraire qu'il peut en modifier l'état, l'homme se donne une importance qu'il n'a pas, qu'il est très loin d'avoir.
Prenons un exemple concret : le réchauffement climatique global. Il n'existe aucun indice scientifique permettant de penser que la planète subit un réchauffement global. Assurément, on constate depuis des millénaires de nombreuses variations locales du climat, mais plutôt moins actuellement que par le passé. L'homme n'est pour rien dans ces variations et n'a aucun moyen de s'y opposer. Il n'en comprend pas les raisons et ne dispose d'aucun outil lui permettant d'agir.
On fera le parallèle avec les édifices religieux, que l'homme bâtit depuis des millénaires : l'homme croit ainsi se concilier la faveur des dieux. Mais rien ne permet de penser que ceux-ci les aient demandés, ni que ces édifices les satisfassent en aucune manière.
Venons-en aux bons côtés du principe de développement durable, qui sont en définitive d'une grande banalité : bien entendu, il n'est pas utile de laisser la chaleur s'échapper par les fenêtres ; bien entendu, un tas d'ordures est malsain et sent mauvais. Fermons donc les fenêtres, améliorons l'isolation thermique des bâtiments et prévoyons le recyclage des déchets.
Mais ce n'est pas pour la Nature que nous le faisons : elle se moque de nos déchets comme de nos calories ; nous le faisons pour nous-mêmes, parce qu'il est malsain de vivre à côté d'un tas d'ordures et parce que le chauffage est plus efficace sans déperditions. Cessons d'invoquer le ciel et ses grands principes.
Le principe de précaution et le principe pollueur payeur
C'est l'une des conséquences les plus funestes du principe de développement durable, et probablement celle qui nous nuit le plus en termes de croissance. Dans l'état actuel des choses, tout industriel qui met sur le marché un produit nouveau doit faire la preuve qu'il n'est pas toxique et il peut être poursuivi si des conséquences nuisibles apparaissent plus tard.
Or personne ne peut établir avec certitude qu'un produit nouveau est sans danger, ni même un produit ancien ! De plus, la plupart des industriels n'ont pas les moyens, ni scientifiques ni techniques, pour se lancer dans de telles vérifications : la crainte des poursuites les dissuadent d'innover, ou bien ils vont le faire ailleurs, dans un pays moins précautionneux. Enfin, cette vision systématique : les industriels sont des pollueurs, est déplaisante et erronée. Un industriel qui fabrique des piles, des écrans, certes donne naissance à des déchets qu'il faut traiter, mais avant tout il rend un service : nous utilisons tous des écrans, des piles, etc.
Si ce principe avait été appliqué dans le passé, aucune des inventions que nous utilisons actuellement n'aurait vu le jour. Gutenberg aurait été interdit d'imprimerie : le plomb est un métal toxique ; Pasteur aurait été interdit de vaccination : qui peut prouver qu'une vaccination est sans danger ?
Ici, nous pouvons suggérer une organisation qui permettrait de remédier à cet état d'esprit déplorable et rendrait confiance aux industriels.
Pour chaque nouveau produit, une fois passés les premiers tests de qualification (menés en interne par les industriels), un organisme spécialisé serait en charge de délivrer une "Autorisation de Mise sur le Marché". Cet organisme serait financé pour partie par l'impôt, pour partie par les secteurs concernés ; des exemples existent déjà : l'INERIS (risques industriels), le CNPP (assurances), le CETIM (industries mécaniques), etc. Mais à l'heure actuelle, ces organismes sont des centres de compétence, sans pouvoir de décision. Dans notre approche, ils seraient responsables de l'AMM ; une fois celle-ci accordée, l'industriel ne pourrait plus être poursuivi, si un dommage survient. En quelque sorte, l'AMM signifierait : dans l'état actuel de nos connaissances, ce produit est considéré comme sans danger. Et si un accident survient (cela arrive : un produit peut après usage se révéler dangereux), le produit sera retiré du marché, ou corrigé, mais l'industriel ne sera pas poursuivi, et l'indemnisation des victimes se fera grâce à un fonds d'assurance spécifique, exactement comme pour les tremblements de terre ou les risques terroristes.
De manière générale, il faut rendre confiance aux industriels, mais aussi aux simples citoyens. Il faut expliquer aux uns et aux autres que les progrès de la science ne mènent pas fatalement à des catastrophes, contrairement à ce que tous croient maintenant. Bien au contraire, ces progrès permettent à chacun de nous de vivre mieux et plus longtemps. Il faut inciter nos industriels à concevoir et à commercialiser des produits et services nouveaux ; il faut les en féliciter et non se poster en embuscade, dans l'espoir d'un drame. Bien sûr, ces nouveaux produits ou services, pour une petite partie, seront malsains ou nocifs, mais la majorité sera utile et bénéfique. Et même ceux qui comportent une part de nocivité sont utiles et bénéfiques : l'imprimerie, la vaccination !