Le diesel est-il dangereux pour la santé ?
A puissance égale, le rendement des moteurs diesel est de 25% supérieur à celui des moteurs à essence, ils rejettent donc proportionnellement moins de gaz carbonique que ces derniers. En revanche, du fait des principes mêmes de ces moteurs, ils rejettent plus de fines particules. Diffusées dans l’atmosphère, elles contribuent à la pollution atmosphérique et, à forte dose, ont un impact sur la santé des personnes qui respirent cet air pollué. Le danger du moteur est donc dans les particules qu’il émet, d’où l’importance des filtres placés à l’échappement de ces moteurs.
En 2012, à la suite d’une étude qui traite du risque encouru par des mineurs respirant l’air vicié de vieux moteurs diesel dans une atmosphère confiné, de «probablement cancérogènes» depuis 1988, les émanations des moteurs diesel sont devenues «cancérogènes avérés», selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Ils rejoignent ainsi plus de cent autres produits, «cancérogènes avérés» depuis plus longtemps. Cette étude, aux résultats discutés et d’importance mineure, si j’ose dire, n’a été qu’une fois répliquée et les résultats de cette réplication ne trouvent pas les mêmes effets et blanchissent le diesel !
L’étude décisive compare deux populations de mineurs! D’un côté, des mineurs d’un premier groupe dont la particularité est qu’ils n’ont pas été exposés aux émanations de moteurs diesels durant leur travail dans la mine et de l’autre, des mineurs d’un second groupe, qui l’ont été du fait de l’utilisation de machines électrogènes utilisant de vieux(1) moteurs diesels. Ces mineurs du second groupe se partageaient donc l’air de la mine avec ces moteurs, ils respiraient ainsi l’émanation des gaz d’échappement dans une atmosphère pour le moins confinée(2). En outre, si le niveau d’exposition aux particules variait de 304 à 1005 μg/m3, ce niveau était très supérieur à celui des villes considérées comme « polluées » (50 μg).
Quand on est, sous terre, enfermé dans un trou, on imagine volontiers qu’il vaut mieux ne pas avoir un moteur diesel sans filtre en marche à ses côtés, pas plus d’ailleurs qu’un moteur à essence ! Toutefois, le résultat des comparaisons entre ces deux groupes est beaucoup moins spectaculaire que ce à quoi on pouvait s’attendre. En effet, si le risque relatif d’avoir un cancer était multiplié par trois chez ceux qui étaient exposés à ces émanations par rapport à ceux qui ne l’étaient pas, cette relation statistique n’a été trouvée que chez les fumeurs. Elle devenait beaucoup plus faible chez les non-fumeurs et n’était plus que de 1,4, malgré la même et forte exposition.
Toutefois, et cela remet en question l’importance de l’étude, chez les mineurs-fumeurs le risque était statistiquement le même que chez les autres employés de l’entreprise, comme eux fumeurs, mais qui travaillaient exclusivement en surface! Autrement dit, chez les fumeurs, les particules de ces vieux moteurs n’aggravent pas leur cas. Mineurs ou pas, ce qui définit le risque de contracter un cancer du poumon ce sont les cigarettes. Un résultat identique à celui des États-Unis a été trouvé en Chine(3) !
Reste donc le risque relatif des mineurs de fond et néanmoins non-fumeurs. Il est, nous l’avons vu, très faible pour un risque relatif (moins de 50%). Or l’on considère qu’il ne faut se préoccuper de risques relatifs que si plusieurs études démontrent que ce risque est supérieur à trois (300%). En outre, et c’est important, une étude allemande du même type qui concerne cette fois des mineurs de potasse(4) ne retrouve pas les mêmes résultats. « Cette analyse n’a pas montré qu’il y avait un lien statistique entre l’exposition aux émissions des moteurs diesel et le risque de cancer du poumon. En revanche, elle a démontré qu’il y avait une croissance du risque de cancer de poumon pour ceux qui avaient un passé de mineur et tout particulièrement dans les mines d’uranium.»
Bien entendu, cela ne veut pas dire que la pollution atmosphérique est anodine et n’a aucun impact sur la santé. Un autre document de l’Organisation mondiale de la santé concerne la pollution atmosphérique en général. L’OMS, dans son rôle, enjoint les pays à relever le défi mondial de la pollution atmosphérique. On ne peut qu’accompagner cette campagne. « Pour l’année 2008, on estime à 1,34 million le nombre de décès prématurés attribuables à la pollution atmosphérique en ville(5) ». Si les villes françaises étaient «moyennement polluées», comme nous représentons 1% de la population mondiale ce chiffre serait pour la France d’environ 13 000 en prenant en compte toutes les pollutions possibles : cheminées d’usines, moyens de transport, chauffage domestique au bois ou au charbon, moteurs à essence et moteurs diesel... Mais, pour peu que l’on soit allé récemment dans une grande ville d’Asie, et notamment en Chine, on a vraiment du mal à croire que les villes françaises soient « moyennement » polluées, le chiffre véritable est très inférieur !
En effet, en octobre 2008, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) et l’Agence française de sécurité sanitaire et environnementale (Afsse) publiaient une expertise collective qui donnait des grandeurs bien différentes pour l’ensemble de la pollution atmosphérique des grandes villes d’Europe - et donc pas seulement de la France - et des émanations des moteurs diesel. «Certains travaux ont estimé qu’environ 1300 et 1900 décès par cancer du poumon pourraient être évités chaque année dans 23 villes européennes si les niveaux moyens de particules fines d’un diamètre inférieur à 2,5 micromètres (PM2,5) étaient ramenés respectivement à 20 et à 15μg/m3. Par ailleurs, à partir des concentrations relevées chez des individus vivant dans quatre agglomérations françaises (Paris, Grenoble, Rouen et Strasbourg), des auteurs évaluent à 10% les cancers du poumon attribuables à l’exposition aux PM2,5(6). » Toujours selon l’Afsse, en 2004, « la pollution atmosphérique, liée pour près d’un tiers aux rejets polluants des voitures, serait responsable chaque année de la mort de 6 500 à 9 500 personnes en France ». Du fait de leur indéniable rôle dans la pollution atmosphérique, toutes les automobiles et tous les camions seraient donc à l’origine d’environ 3000 morts(7) prématurés en France.
À son tour, l’étude européenne ESCAPE(8) confirme la responsabilité de l’exposition aux particules en suspension dans le risque de cancer du poumon, mais en France, dans des proportions environ vingt fois inférieures à celles du tabac. Il est donc utile de limiter les émanations de particules qu’elles proviennent ou non des moteurs diesels même si pour ces moteurs stricto sensu, il n’y a pas de chiffre qui précise leur impact spécifique car, comme toujours en biologie, les effets se cumulent. Il est déjà difficile d’estimer les chiffres globaux, mais l’effet spécifique du moteur diesel est mineur et dépend comme nous venons de le voir, non pas du moteur en tant que tel, mais des particules qu’il émet.
Remarquons enfin que le printemps, au moment de la floraison, diffuse dans l’atmosphère des pollens allergisant qui provoquent de graves crises d’asthme, plus dangereuses pour la santé que les moteurs diesels avec filtre. Bien entendu ceci n’est pas une raison pour ne pas contrôler l’émanation de ces moteurs mais, d’une part cela donne des ordres de grandeur, et d’autre part rappelle à ceux qui l’oublieraient que la nature n’est pas toujours bonne pour la santé !
Si des informations erronées affirmant que le diesel tuerait 42000 personnes par an en France, non seulement ne sont pas critiquées par la Presse, mais reçoivent un tel écho, c’est parce que ce n’est pas le risque réel qui compte pour elle, mais le risque perçu ; or si les villes françaises sont peu polluées, les Français redoutent la pollution atmosphérique et en surestiment le risque. En effet, «la pollution de l’eau (37%), la pollution de l’air (33%) et l’effet de serre (25%) restent le trio de tête des préoccupations environnementales des Français, comme elles le sont depuis plus de 10 ans au-delà des variations annuelles(9). » Pourtant leur eau n’a jamais été aussi pure; quant à la pollution de l’air, si elle est bien réelle certains jours dans les grandes villes, ce risque perçu n’est pas, loin s’en faut, le plus grand que nous courrions. Il existe dans ce domaine une heureuse continuité de l’action publique depuis des décennies aussi, depuis un siècle, jamais l’air n’a été d’aussi bonne qualité qu’aujourd’hui !