Déchets
Déchets
Par Bernard Beauzamy
Article extrait de la lettre de la SCM numéro 88
Tous les jours, les médias nous inondent d'informations alarmistes : les océans seraient remplis de déchets en plastique, au point que les petits poissons pourraient à peine nager. Conclusion sans nuance : nous devons immédiatement cesser toute production de plastique et les politiques légifèrent à cet effet avec beaucoup d'énergie.
C'est clairement l'exemple d'une décision absurde et irréfléchie, prise sans s'être à aucun moment préoccupé des faits. Il faudrait au contraire :
- Vérifier que le plastique est effectivement présent dans les océans, en quantités significatives. Les associations qui cherchent à émouvoir l'opinion sont, dans l'ensemble, d'une très grande malhonnêteté et on ne peut leur faire confiance ;
- Vérifier que ce plastique peut effectivement causer des dommages à la faune et à la flore : ce n'est en rien évident ;
- Vérifier que ce plastique provient bien de chez nous : ce n'est pas évident non plus. En France, les déchets de ce type sont collectés, puis incinérés.
- Si, au terme de ces vérifications, on constate que l'industrie française a une part de responsabilité, il faut encore analyser les solutions de remplacement avant de prendre une décision.
Il y a une cinquantaine d'années, dans nos campagnes, chacun venait au quotidien chercher le lait dans une "laitière", récipient généralement en aluminium. La crémière versait un litre, au moyen d'une louche. Il fallait ensuite laver le récipient avant l'utilisation suivante. Bien sûr, le lait n'était pas pasteurisé et il ne se gardait pas très longtemps. Chacun conviendra que les bouteilles de lait pasteurisé, à usage unique, sont un progrès, aussi bien de confort que d'hygiène. On peut acheter plusieurs bouteilles d'un seul coup et le lait, de meilleure qualité, se garde plus longtemps. Bien sûr, la bouteille vide va à la poubelle.
On assiste, sur ce sujet comme sur beaucoup d'autres, à des offensives médiatiques consternantes, que les politiques reprennent sans aucune réflexion, bien que, à l'évidence, elles soient dommageables à nos entreprises comme à notre mode de vie. Les journalistes voudraient un "retour à la nature", dans ce qu'elle a de plus contradictoire avec la civilisation.
On ne peut reprocher aux journalistes leur stupidité : elle est dans leurs gènes. Rien ne nous empêche de ne pas écouter leurs messages et de fonder de nouveaux journaux, en espérant qu'ils seront de meilleure qualité.
On ne peut reprocher aux politiques leur sensibilité à l'opinion publique : elle est dans leurs gènes. Rien ne nous empêche de les renvoyer à la prochaine élection et d'essayer de faire éclore des partis politiques qui sauront analyser les faits avant de prendre des décisions : aucun ne le fait actuellement.
On peut par contre reprocher aux industriels leur pusillanimité. Ils ne savent pas se défendre; lorsqu'ils le font, c'est pour donner des gages à leurs adversaires, en admettant leurs arguments et en se plaçant sur le terrain même où ceux-ci les attendent. Ils ont, en particulier, bien accepté la doctrine des "économies d'énergie", si stupide et si dommageable à notre civilisation.
Au sortir de la seconde guerre mondiale, les industriels étaient vus comme des sauveurs ; la reconstruction du pays et le progrès technique ont assuré à chacun un bien-être jamais vu auparavant: l'opinion publique le sait très bien.
Mais, progressivement, les journalistes et les politiques, très orientés "bobos-écolos", ont voulu remettre en cause la civilisation industrielle, dans toutes ses composantes : production d'énergie (abandon des sources classiques, fiables, au profit d'énergies intermittentes très coûteuses), restrictions dans les transports (taxes de toute nature, interdictions multiples), prise en considération des déchets, rejets, "empreintes carbone", etc. En bref, nous sommes coupables d'exister.
Dans un pays aussi jacobin que la France, tout ce qui vient de l’État reste "parole d'évangile" pour les entreprises; cela a permis un développement rapide quand le message était intelligent, mais cela ruine, maintenant qu'il est devenu parfaitement idiot, celles-là mêmes qui y adhèrent. Elles obéissent à des slogans absurdes, alors que, sauf celles qui sont nationalisées, elles n'y sont en rien contraintes. Le résultat est une perte de compétitivité, une baisse du niveau de vie et un chômage généralisé.
Concrètement, si les entreprises parvenaient à sortir de la pusillanimité dans laquelle elles se sont enfermées, elles devraient exiger, sur tous les sujets de société que nous mentionnons (et en particulier celui des déchets) qu'un travail scientifique préliminaire soit fait avant toute décision : collecter les données, les rendre publiques et les analyser de manière contradictoire. Il faudrait avoir le courage de contester, y compris devant les tribunaux, toute décision prise de manière prématurée et irréfléchie. On doit réclamer le retour à une démarche rationnelle, publique et transparente, fondée, comme au pénal, sur le principe du contradictoire.
On comprend évidemment que les entreprises soient à l'écoute de l'opinion publique et souhaitent avoir "bonne presse". Mais ce ne sera le cas que si elles font du politiquement correct et, en ce cas, la faillite survient à très court terme; on le voit pour toutes celles qui s'occupent d'énergies intermittentes.
Rappelons le vers de Thomas Gray:
"The paths of glory lead but to the grave".
Bernard Beauzamy