In vino veritas
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Hier soir, j'avais rendez-vous avec l'équipe de "joyeux larrons" à la maison des jeunes de Barbezieux pour une séance de
dégustation de vins animée par Isabelle Roberty, notre professeur d'oenologie. Cette petite réunion mensuelle est un très bon prétexte pour retrouver les copains. La plupart du temps, je m'y rends en covoiturage avec mon copain Albert avec qui on accuse une bonne demi-heure de retard systématique, ce qui correspond au quart d'heure charentais multiplié par deux. |
J'en profite ici pour présenter mes excuses les plus sincères à tout le groupe en précisant que ce retard incombe à mon coéquipier qui avec l'âge a de plus en plus de mal à gérer le temps qui passe de ses journées mouvementées. Les cours débutent à dix huit heures trente, chaque séance traite un thème préalablement choisi par notre maitresse œnologue. Au cours de la première heure, Isabelle commence sa leçon avec un peu d'histoire en relation avec les vins que nous allons déguster et en refaisant le point sur les caractéristiques des cépages concernés. Le cours très sérieux se déroule dans la bonne humeur. Humeur d'un groupe qui vient ici pour apprendre mais aussi pour se détendre. Sérieux mais pas trop, moi ça me convient très bien !
La deuxième partie est consacrée aux travaux pratiques : la dégustation. Durant cette deuxième heure, tout le monde est unanime, c'est le moment le plus distrayant, c'est la récréation contenue et cadrée que nous accorde notre professeur. Lorsqu' Isabelle commence à nous servir les vins, Albert hésite entre le plaisir de s'en basculer un rapidement ou se pencher avec assiduité sur l'inextricable vin dépourvu d'étiquette. Le stress de l'examen de fin d'année le conduit sur la deuxième option. Souvent opposés l'un et l'autre sur tous les vastes sujets du monde, on se retrouve néanmoins d'accord sur un point : sans étiquette, le vin rend humble au début puis saoule par la suite...
Isabelle Roberty toujours très stricte sur le respect du protocole.
Au cours de cette dégustation, on observe les règles de bases : recracher pour rester le plus juste possible dans les méandres de l'incertitude.
Je constate souvent que notre jugement est sévère sur les vins dégustés. Il y a, je pense, plusieurs raisons à cela. La première, lorsque l'on déguste à jeun, on aurait tendance à chercher d'abord les défauts du vin au lieu de mettre en avant ses qualités. La seconde, le vin est fait pour être bu au cours d'un repas et les mets qui l'accompagnent modifient souvent son goût, c'est aussi pour cette raison que le vin peut paraître différent en fonction du plat servi. L'interdépendance entre le plat et le vin m'amène à penser qu'au prochain cours, je débarque avec un poulet grillé !
"Olivier, tu caches tes notes, le jour de l'examen Albert ne pourra pas copier sur toi !"
Mercredi, le thème était le Sémillon et le Chenin. Deux cépages bien distincts pourtant mais c'est bizarre, comme si l'absence d'étiquette nous rendait un peu plus modestes... Honnêteté et modestie passagères de courte durée pour mon voisin Albert qui n'a cessé de reluquer mes notes exhaustives et précises des impressions souvent très fiables des vins décryptés par mon scanner olfactif et par mon synthétiseur de goûts reconnu par le club très fermé des plus grands sommeliers de France.
Albert, mon père turbateur : "Olivier, aide moi je suis largué.."
En face de moi, François le caviste mitraille la prof de rafales de mots savants : " Hé madame, madame, j'ai senti du coing, du tilleul et du géranium pour le premier vin et de la rose mure, du miel, et une légère note litchi au nez pour le deuxième madame ". Isabelle : " C'est bien François mais Olivier l'a déjà dit il y a un quart d'heure... "
Nous avons fini la soirée chez Fanfan qui nous avait concocté un petit civet maison, je vous dis pas le régal ! François le caviste avait récupéré, en douce, des bouteilles à la fin du cours que nous avons re-gouté pour affiner notre jugement. C'est infernal, on est toujours au boulot !
Albert à Fanfan : "Après toutes ces conneries, seul ton civet pouvait me réconcilier avec l'existence..."