L'eau virtuelle
Le livre de Jean de Kervasdoué et d'Henri Voron, Pour en finir avec les histoires d'eau, devrait faire partie des supports indispensables aux étudiants afin d'améliorer leur compréhension à la véritable écologie, celle de l'étude des milieux naturels, sans approche dogmatique ni politique tenue par les environnementalistes (dont font parfois partie les enseignants). Ce précieux ouvrage écrit par de véritables ingénieurs leur permettrait d'assimiler facilement le processus fondamental du cycle de l'eau et de développer plus tard un sens critique sur les présumées catastrophes climatiques annoncées et la prétendue pénurie d'eau dont serait menacée notre planète.
Les deux auteurs de ce livre passionnant nous expliquent que la notion d'eau virtuelle (ou emprunte d'eau) soutenue par Claude Allègre dans son livre Ma vérité sur la planète est une absurdité. Le concept d'eau virtuelle qui a pour objectif de comptabiliser la quantité d'eau utilisée entrant dans la production de nos biens de consommation alimentaire n'a en réalité aucun fondement agronomique ni hydrologique. Cette notion aberrante d'eau virtuelle vise surtout à culpabiliser notre « consommation excessive en eau » en renforçant l'idée bien pensante que les pays riches pilleraient les pays pauvres privés de cette précieuse ressource. La notion d'évapotranspiration, qui n'est pas prise en compte sur les cultures agricoles, trompe notre raisonnement. De même, son concepteur Anthony Allan se garde bien de retrancher le volume d'eau qui retourne dans la nature après avoir été consommé par les animaux d'élevages. Les déjections animales des stabulations, stockées dans les fosses, finissent dans les prairies et l'eau employée pour le nettoyage emprunte les canalisations des égouts avant de regagner le milieu naturel...
J'ai recopié le passage du livre où chiffres à l'appui, les deux auteurs expliquent de manière démonstrative et convaincante cette supercherie écologique.
Claude Allègre, bien que climato-sceptique reprend à son tour le concept d'eau virtuelle.
Nouvelle (et ridicule) trouvaille pour se sentir coupable : La notion d'eau « virtuelle »
Pour contribuer à la peur du manque d'eau, un nouveau concept prétend confirmer l'incroyable gâchis des pays riches en la matière, ainsi que leur exploitation des pays pauvres dont l'eau précieuse serait subrepticement volée, il s'agit de la notion d'eau « virtuelle ». Ce concept a été inventé par un géographe britannique, Anthony Allan. Sa diffusion en France provient notamment d'un article de La Recherche. Anthony Allan y exprime sa fierté d'avoir inventé une telle notion en 1992 et consacre l'essentiel de son activité à poursuivre ses « travaux ».
L'eau « virtuelle » serait celle qui, par exemple, est nécessaire pour produire une tonne de viande de bœuf, un quintal de blé ou une livre de haricots verts. Alors qu'on ne l'attendait guère dans ce domaine, Claude Allègre est venu apporter son eau à ce drôle de moulin et prétend que l'on doit disposer de 13000 tonnes d'eau pour produire une tonne de viande de bœuf, qu'une tonne de volailles en requiert 4000 tonnes, que 2700 tonnes d'eau suffisent pour une tonne d'oeufs et 800 tonnes d'eau pour une tonne de lait ! Tout d'abord, les chiffres avancés par notre éminent collègue sont sous-estimés : il prétend notamment que l'eau consommée par l'irrigation planétaire représenterait 1500 milliards de m³, or c'est au moins le double. À tant vouloir être anxiogène, autant être précis ! Ensuite, comme nous allons le voir, cette notion est fondée sur un raisonnement insensé en terme hydrologique.
En effet, pourquoi se soucier de l'usage d'une ressource dont l'abondance est telle qu'on ne l'a jamais comptée ? Peu importe en effet qu'il faille 1000 tonnes, ou pourquoi pas 10000 tonnes d'eau, pour que dix quintaux de blé viennent à maturité. Le blé n'est pas irrigué, il pousse grâce à la pluie. Si ce blé n'est pas irrigué, il pousse grâce à la pluie. Si ce blé n'était pas là, sur cette même parcelle, une autre plante pousserait et « consommerait » autant d'eau. Pourquoi se soucier de la consommation d'eau d'un quintal d'orties ou de dix kilogrammes de chardons ? Par ailleurs, comment peut-on prétendre que l'eau de pluie, gratuite et indéfiniment renouvelable, est une « consommation »? D'où vient le fondement agronomique et hydrologique de cet économisme mal placé ?
L'évapotranspiration est un phénomène sur lequel l'homme n'a pas de prise. Pourquoi les Français devraient-ils se sentir concernés, voire coupables, quand 311 milliards de m³ repassent à l'état de vapeur après être tombés sous forme de pluie ? Le bœuf et la vache charolaise qui pâturent dans les prés ne « consomment » pas d'eau. Que le pré en question soit pâturé ou non, l'évapotranspiration est la même. Le pourcentage d'eau repartant en vapeur reste le même et le pourcentage d'eau ruisselé ne change pas. L'évapotranspiration sous un climat donné est la même quelle que soit la végétation, « naturelle » ou « cultivée ». Les forêts ont la même évapotranspiration que les friches, les champs de blé ou ceux de colza. Ce phénomène était le même du temps de la Gaule et les débits de nos fleuves aujourd'hui identiques à ceux du temps de Jules César et de Vercingétorix. On aimerait qu'ils aient été conscients de leur chance : ils ne devaient pas se battre contre des concepts ridicules.
La documentation française donne des chiffres différents de ceux de Claude Allègre, mais sans plus d'intérêt. Certes, une vache consomme 3 millions de litres d'eau incorporée dans l'herbe verte qu'elle mange, l'ordre de grandeur est exact, mais la pauvre bête ne garde pas tout ce qu'elle mange et quasi 100% de ce volume d'eau va se retrouver dans ses urines et ses fèces, cette eau est rendue au milieu naturel dans la prairie ou dans la fosse fumière. Il en est de même des 24000 litres d'eau que va boire cette vache, mais 100% suivront le même chemin. Quant au 7800 litres d'eau utilisés pour nettoyer l'étable, ils iront aussi à l'égout puis au milieu naturel.
Un kilogramme de bifteck contient 70% d'eau et 30% de matière sèche. Donc la consommation nette d'eau pour produire un kilo de viande est de 700 grammes, mais ces 700 grammes d'eau n'arrêtent pas leur chemin, ils vont se retrouver à leur tour dans les urines et matières fécales de leur consommateur. Une fois encore l'eau ne fait que passer, c'est un flux, jamais un stock dans la chaîne agricole et alimentaire.
La pluie qui tombe ne dépend pas du sol qui la reçoit
Les 94% de cultures pluviales de France ne consomment aucune eau et ne pénalisent donc le débit d'aucune rivière ou d'aucune nappe phréatique ! Les 34 millions de tonnes de blé produites par la France en 2011 n'ont pas « consommé » une goutte d'eau, car c'est une culture d'hiver. On la sème en octobre ou novembre et on le récolte en juin ou juillet, avant la sécheresse et la chaleur. Il en est de même pour l'orge d'hiver, le seigle et son hybride d'avec le blé (le triticale), l'avoine, la betterave à sucre, le colza semé en septembre et récolté en mai-juin, ainsi que pour la pomme de terre, plante d'origine tropicale à cycle court, plantée en avril ou mai et récoltée en août. Les élevages intensifs utilisent des produits agricoles concentrés non irrigués, comme le blé fourrager, l'orge, le triticale, l'avoine, le tourteau de colza, autant de plantes pluviales, jamais irriguées. Donc, ne donnant lieu à aucune « consommation » d'eau.
A contrario, sont irriguées partiellement certaines céréales, comme le maïs, et certains protéagineux, comme le tournesol et le soja. À ce titre, ils représentent une vraie consommation d'eau. On peut estimer que ces cultures d'aliments concentrés irrigués pour l'alimentation des animaux représentent 50% des surfaces irriguées en France. Les consommations en eau de ces cultures nécessitent donc 2 milliards de m³ environ.
Il en est de même en Afrique
Si l'on poursuit le raisonnement pour les pays secs, notamment les pays à climat sahélien, dont l'élevage est la principale ressource, le chiffre de 13000 m³ par tonne de viande produite devient encore plus surprenant. Les bovins, ovins, caprins, chevaux ou chameaux de ces régions ne consomment absolument jamais d'aliments concentrés qui auraient, par hypothèse, été irrigués. Ils ne se nourrissent que des graminées de la steppe sahélienne, qui doivent se contenter d'une pluviométrie à la fois faible et capricieuse. La seule consommation en eau des animaux est donc l'eau de boisson. Ils peuvent la trouver dans des marigots ou des mares temporaires, ou bien des éleveurs puisent leur eau de boisson dans les forages. Une bonne partie de cette eau repartira au milieu naturel sous forme d'urine et de matières fécales. Pour le reste, on est bien dans le domaine de la « vraie » consommation, car cette eau avait ruisselé ou s'était infiltrée. Elle ne sera plus disponible en aval, si tant est qu'il existe un « aval » dans les steppes plates, sans réseau hydrographique bien dessiné. Partout dans le monde, on peut continuer à faire l'élevage et produire de la viande de bœuf, cela avec de vraies consommations d'eau nettes dérisoires, par rapport aux ressources locales dans le bassin versant.
Les riches ne volent pas l'eau des pauvres
Selon Anthony Allan, les échanges mondiaux d' »eau virtuelle » représenteraient 1300 milliards de m³, soit le tiers de la quantité d'eau « consommée » dans le monde ! Ce chiffre paraît très élevé, mais, tout d'abord, il représente moins de 2% d'eau mondiale évapotranspirée et devenue « virtuelle », et surtout, il ne correspond à rien.
Dix kilogrammes de tomates irrigués au Maroc et exportées en France ont bien eu besoin d'un mètre cube d'eau, mais la seule chose qui s'est produite c'est que l'eau utilisée pour l'irrigation de ces tomates n'est pas partie à la mer. Faut-il regretter que le royaume chérifien soit un des pays les plus et les mieux irrigués du monde et en retire des devises ? Doit-on recommander que le puissant barrage de Bine El Ouidane qui permet d'irriguer des milliers d'hectares au centre du pays laisse l'eau de l'oued partir dans l'océan, en pure perte ?
Pour en finir avec cette notion ridicule, étonnons-nous du fait qu'Anthony Allan oublie le bois, les grumes, les sciages et la pâte à papier. Or la production de 1m³ de bois de chêne consomme au moins 150000 m³ d'eau évapotranspirée. Ce chiffre peut également être retenu pour les forêts tropicales. Comme le commerce mondial du bois estimé à 100 millions de m³, il faudrait ajouter 15000 milliards de m³ aux chiffres avancés.
Conseil aux sceptiques
À ceux qui se culpabiliseraient encore de ces « gâchis » d'eau et qui ne seraient pas convaincus par cette argumentation, nous les incitons à ne consommer que des algues et des poissons : la quantité d'eau que ces derniers avalent est faible ; toutefois, en y réfléchissant, on pourrait étendre la notion d'eau virtuelle à l'eau bien réelle qu'il faut à ces algues et ces poissons pour vivre. Une belle quantité !
Pour en finir avec les histoires d'eau – Jean de Kervasdoué & Henri Voron