La bougie
J'ai en mémoire cette vieille distillerie où, lorsque j'étais enfant, certains soirs d'hiver, je me réfugiais pour allumer une bougie.
Je me revois m'asseoir sur le massif chaud et contempler la flamme dansante et entraînant avec elle des ombres frémissantes sur quelques courants d'air.
Ces tâches noires frétillent encore aujourd'hui dans mon esprit, autour du col de cygne d'un rouge illuminé.
Le chapiteau aux reflets scintillants dégage une chaleur étrange à mes yeux dont la robe chatoyante brûle les doigts qui effleurent son étoffe.
Les ondulations de la flamme reine s'accouplent aux vapeurs alcoolisées et enivrent les fantômes de la nuit.
Les murmures de l'ébullition accompagnent ce concert lumineux qui peu à peu apaise mes paupières.
C'est peut-être par pudeur qu'enfant, je m'endormais avant la mort de cette danseuse hypnotique. Mais j'imagine, en ce lieu, l'instant où la bougie s'éteint redonnant place à la grandeur du noir, lorsque les ombres absorbent les fragments de lumière affaiblis par la flamme chancelante sur son tapis de cire.
Texte 1997