La rivière
Les premières lumières de cette matinée froide dévoilent la maison embrasée. En respirant l’épais rideau de fumée, je retrouve en cendres les indices détruits par les flammes de l’incendie sous les semelles noires de mes chaussures. Mes peines assombries se dispersent dans l’air humide, pour rejoindre les émanations d’une combustion criminelle, qui allège mes souffrances d’un passé oublié. Je me déplace péniblement dans cet endroit, où hier encore, je me battais de mots acerbes. Aujourd’hui, mes souvenirs sont sans support. Je remercie l’enfer du vide qui accompagne votre disparition. Puisque votre laideur ne règne plus dans cette demeure calcinée, je puis partir tranquille et laissé à l’abandon mes morbides tensions.
Sur les chemins où l’herbe verte nettoie mes pas de l’odeur du charbon, après avoir traversé le petit bois, je dis une dernière fois au revoir à ces lieux de nature si cher à mes yeux. Je jette un caillou dans l’eau de ce ruisseau qui déchargera ma peine dans toute la rivière.
Texte 1999