Les mots sont inutiles
Parfois les mots inutiles arrivent pour tout gâcher, comme lorsque légèrement endormi sur le divan, une porte mal fermée laisse passer un courant d’air froid en hiver.
On est là, tranquille, on savoure ces instants de paix, le silence est roi, on se tait… Quand soudain, c’est plus fort que toi, il faut désespérément que tu la ramènes pour me dire des conneries universelles comme : « C’est beau le silence » ou « J’aime méditer dans l’obscurité » ou encore « Le temps passe si vite… » ou plus pitoyable encore « la pluie, ça me déprime et toi ? » « On est si peu de chose… hein mon chien ! Toi, il ne te manque plus que la parole.»
Si vraiment tu appréciais à sa juste valeur le silence, tu ferais comme moi, tu la fermerais !
Tu aimes méditer dans l’obscurité… D’accord, mais réfléchis en pensant et sache qu'il est plus facile de lire des bouquins de philo à la lumière du jour. Si le temps passe vite pour toi, je te rappelle au passage que l’espérance de vie d’un épagneul breton est plus courte que la tienne. La pluie, il est vrai, chez certaines personnes, peut provoquer de la mélancolie mais si tu te sens triste et déprimée les jours de pluie, parle en plutôt à un psychiatre. Je suis entièrement d’accord sur ce point : on est peu de chose mais est-ce vraiment nécessaire de le relever tous les dimanches après-midis ? Si tu t’emmerdes, sors faire un tour dehors au lieu de regarder la télévision et pour l’amour du ciel, arrête de me rappeler que je n’ai pas la faculté de parler car si je l’avais, je pense que, susceptible comme tu es, tu te retrouverais toute seule à parler à toi-même.
Oui, moi aussi, je t’aime mais maintenant, bonne nuit...
Texte 1997