Les matières organiques des sols
Avant de planter de la vigne, le viticulteur, doit s'assurer de la qualité de son sol. L'analyse de sol est un outil qui va pouvoir l'aider dans sa prise de décision (choix porte-greffe). Cette analyse permet souvent de confirmer la nature du sol sur lequel le viticulteur a choisi d'y planter de la vigne. L'analyse retrace la quantité des différents éléments nécessaires à la bonne implantation de la vigne et va ainsi permettre d'apporter des corrections dans le cas où le sol présente des carences.
Creuser des fosses pédologiques dans le champ est un bon moyen de se rendre compte visuellement du type de sol dans lesquelles les racines de la vigne vont se développer. Le choix du porte-greffe va résulter de ces observations pour servir au mieux l'objectif de production. La préparation et les amendements du sol, la compétence du pépiniériste qui fournit les plants et l'expérience du viticulteur vont déterminer les succès de la future plantation.
La matière organique dont les composés carbonés, d'origine végétale et animale recouvre une incroyable diversité, joue un rôle majeur dans le fonctionnement global du sol. Autrefois, bien avant l'utilisation des engrais minéraux, le fumier était le seul fertilisant employé. Cette fumure organique, chère de part son transport et le volume à épandre, à l'avantage de libérer progressivement les éléments minéraux et de stimuler l'activité du sol. L'effet terroir tant recherché dans le domaine du vin se trouve renforcé par la présence de la teneur en matière organique du sol et de la vie microbienne qui en résulte.
Si la baisse naturelle de la teneur en MO est très lente (environ 2% par an), il sera, en revanche, très long et très difficile de rehausser un sol pauvre en MO, c'est aussi pour cette raison qu'il est primordiale d'intégrer cette notion dans sa stratégie de fumure d'entretien.
Pour conserver un bon taux d'humus, le viticulteur choisira de broyer ses sarments, d'enherber son vignoble de manière raisonnée (en partie ou totalité), d'utiliser des produits organiques à dose élevée et s'il peut encore en trouver, épandre du fumier !
La particularité des sols charentais
Les Sols argilo-calcaires qui sont bien pourvus en MO (teneurs souvent supérieures à 2%) : le calcaire et l'argile
freinent sa dégradation. La finesse et la longueur des eaux-de-vie obtenues dépendront de la qualité du calcaire présent dans le sous sol.
Les sols sablo-limoneux (doucins) qui présentent des teneurs proches de 1%, susceptibles de nuire à leur comportement agronomique.
Quel est l'utilité de la matière organique dans le sol ?
L'influence physique
Elle protège la structure en limitant le tassement et le réchauffement du sol.
Elle offre une résistance à l'érosion et au ruissellement.
En retenant l'eau, elle permet une meilleure alimentation hydrique des plantes.
L'activité biologique
La faune auxiliaire (vers de terre, biomasse microbienne) stimule l'activité biologique du sol qui dégrade, minéralise, réorganise la MO pour la transformer en humus tout en aérant le sol.
Le rôle chimique
En se minéralisant, la MO, fournit principalement de l'azote utile pour le développement des plantes mais offre d'autres élément (P,K, oligo-éléments...).
Les matières organiques, associées aux argiles, constituent le complexe argilo-humique qui favorise la Capacité d'Echange Cationique.
Son effet « complexation », conserve les métaux (cuivre, fer) sous une forme peu soluble, peu lessivable et peu toxique.
En dégradant les produits phytosanitaires (désherbants ou produits appliqués sur les feuilles qui retournent au sol), la vie microbienne du sol contribuent à préserver la qualité de l'eau.
Cycle de la matière organique
Cycle du carbone
Les indices de la matière organique
Si les indicateurs mis à la disposition du viticulteur sont relativement limités, ils vont toutefois permettre une appréciation de la quantité et de la qualité des MO des sols analysés.
Le taux de matière organique
Il donne, en pourcentage, la proportion de matière organique du sol. C’est l’indicateur le plus utilisé actuellement, car facilement dosable (dosage du carbone). De plus, les référentiels régionaux existent pour ce paramètre, ce qui permet l’élaboration de conseil, essentiellement par rapport au premier objectif. Il permet également le calcul, en fonction des caractéristiques du sol, d’une estimation des pertes par minéralisation et donc de la quantité de matière organique à apporter pour compenser ces pertes.
Le cœfficient isohumique : K1
Le coefficient isohumique K1 n’est pas mesuré en laboratoire mais il est déterminé expérimentalement en faisant un comparatif de bilans humiques d’un sol (parcelles ou pots) avec ou sans produits organiques sur une période minimum de 3 ans.
K1 = QH/MS
QH = Quantité d'Humus généré par le produit/an
MS = Quantité de Matière Sèche totale du produit apporté/an (animal et végétale)
Le rapport carbone sur azote : C/N
Le rapport carbone/azote du sol est un indicateur du plus ou moins bon fonctionnement du sol. Elevé (>12), il est le signe d’une dégradation trop lente de la matière organique. Faible (<8), il met en évidence une activité trop importante au niveau du sol. On considère généralement que plus le C/N d’un produit est élevé, plus sa vitesse de décomposition sera lente. Cependant, ceci est à relativiser, notamment pour les composts. Le rapport C/N décroît constamment au cours du compostage pour se stabiliser lorsque le produit est mature. A ce stade, sa vitesse de décomposition sera lente. Il est donc souhaitable de connaître l’origine de la matière organique (végétale, animale, matières premières utilisées) et d’avoir la connaissance du process qu’elle a subi.
Produits | Valeur C/N |
Amendements compactés (80 % MS) | < à 20 |
Fumier de bovin (23% MS) | 17 |
Paille (66 % MS) | 103 |
Sarments (50 % MS) Ecorces | 92 |
Ecorces feuillus (46 % MS) | 50 |
Ecorces résineux (41 % MS) | 100 |
Marc de raisin (23,5 % MS) | 21 |
Tourbe (34,7 % MS) | 30 |
Compost déchets verts | 15 |
La biomasse microbienne
Cette mesure globale permet d’accéder à la quantité de carbone «vivant» issue de l’ensemble des micro-organismes du sol. Elle est exprimée en mg de C par kg de sol ou en pourcentage de carbone organique total. Ce paramètre est très fortement lié au type de sol et au système de culture. Il est néanmoins précis et peut être considéré, dans le cadre d’un suivi, comme un indicateur précoce des modifications du statut biologique et organique des sols.
Le fractionnement granulométrique de la MO
la méthode permet de distinguer la matière organique libre, facilement minéralisable et à évolution rapide, de la matière organique liée, stabilisée et à évolution lente. LA prise en compte du C/N de chaque fraction permet d'affiner la connaissance de ces matières organiques en terme d’évolution. Cette méthode est actuellement au stade «acquisition de données».
Le cœfficient de minéralisation de la MO du sol : K2
Il est fonction du type de sol (granulométrie calcaire), de l’entretien du sol et des conditions climatiques (facteurs thermique et hydrique). Il permet d’évaluer la diminution du stock de MO du sol. Le K2 varie généralement entre 0,5 % et 2,5 %.
ISB (indice de stabilité biologique et CBM (caractérisation biochimique de la MO)
Ces indices, déterminés au laboratoire, permettent de rendre compte de la biodégradabilité du produit analysé chimiquement (rendement de MO stable, calculé à partir du taux de MO du produit). Ils peuvent être déterminés suivant le produit, sans passer par l'expérimentation, contrairement au K1.
Calcul de cas concrets
Exemple : restitution se sarments
Quantité de produit apporté : 3 t/ha ; matière sèche =50% ; K1 = 0,3
Quantité d'humus apporté = 3000 x 0,5 x 0,3 = 450 kg (soit le tiers à la moitié des pertes annuelles).
Exemple de calcul des équivalents minéraux des apports organiques
Produit organo-minéral 3/5/5 à 2 t/ha : apporte en N/P/K = 60/100/100
Un fumier (teneur moyenne 0,5/0,3/0,6) à 40 t/ha : apporte en N/P/K = 200/60/240 !
Des apports massifs de produits à C/N élevé (paille, écorses) peuvent avoir un effet stressant sur la vigne. L'azote du sol utilisé par les microorganismes pour la réorganisation de la MO manque alors à la plante.
Lexique sur les matières organiques
Le complexe argilo-humique
Le sol est un milieu complexe composé de quatre types d'éléments : gazeux (air), liquides (eau), minéraux et organiques. Parmi les différents éléments minéraux en présence, les argiles s'associent à la matière organique du sol (l'humus) pour former, sous l'action stabilisatrice du calcium, le complexe argilo-humique. La structure en feuillet des argiles confère au complexe une puissante charge négative. Une certaine quantité de cations libres de la solution du sol peuvent alors s'y fixer (Ca2+, K+, H+, Na2+ etc.). Le complexe argilo-humique est ainsi un véritable réservoir d'éléments nutritifs pour la culture. (Source Agro Systèmes)
CEC (Capacité d'Echange Cationique)
Cette mesure chimique permet d'approcher la capacité du sol à fixer de façon réversible les cations échangeables (Ca++, Mg++,K+...). (Blaize, 2004)
Cette CEC dépend principalement de la quantité d'argile. C'est le "garde à manger" qui indique s'il est long ou rapide de le vider et de le remplir (inertie du sol) mais ne dit pas s'il est plein ou vide.
Composés humiques (substances humiques, humus)
Ce sont des macromolécules de poids moléculaire élevé, composées d’un assemblage de différentes chaînes hydrocarbonées sans répétition d’une séquence définie (contrairement aux molécules biologiques). L’ensemble de ces composés forme la matière organique stable. Ils sont issus de l’évolution biochimique lente des diverses matières organiques des sols (humification). (COMIFER, 1993).
ETM (Elément Trace Métallique)
Ex : cuivre, aluminium, plomb...
Métabolites
Molécules issues du métabolisme microbien.
Micro-organisme
Très petit organisme vivant. Ce sont essentiellement des bactéries et des champignons.
Minéralisation
les débris sont dans un premier temps dépolymérisés par les enzymes. Les petites molécules (sucres, acides aminés) sont utilisées par la microflore du sol (champignons, bactéries). Cette dernière attaque les molécules plus importantes et les dégrade plus ou moins rapidement, libérant entre autres des éléments minéraux. C’est la minéralisation.
Sources
Guide Viticulture Raisonnée des Charentes
Fiche N°3 Fertilisation de la vigne - ITV France
Publications du groupe Phalippou Frayssinet