Les pavés malheureux
Une démarche linéaire sur des talons aiguilles éculés léchant les pavés trop célèbres des attentes malheureuses.
Des mégots échoués dans le caniveau rassemblant leur courage pour regagner les égouts affamés d'immondices citadines.
Les bas résilles noirs dévoilant des jambes expertes et provocantes, excitatrices d'un désir violent et animal.
Un cuir léger et rouge attisant le quidam contraint à détourner la tête pour jeter un regard possédé sur ce spectacle démoniaque.
Des lèvres sang crachant les jurons enfumés des bordels, accompagnées de yeux félins miaulant : «Regarde-moi. Je te fais peur ?». Ses doigts désœuvrés arborent des ongles durs couleur émeraude qui taquinent un collier bleu saphir humilié d'en être réduit à enchaîner un cou trop blanc parcheminé. Elle approche à pas lents, un sourire fraudeur aux dents tachées de nicotine. Alors elle se met à parler mathématique en basculant son cul. Moi, j'ai subitement le mal de mer sur ce roulis aux odeurs de vanille d'un triste simulacre. J'aperçois au bout de la rue son proxénète qui, hors de la tempête, tend ses filets en attendant la pêche. Non, je ne veux pas avoir à faire à ce commerce triangulaire.
«-Heu... excusez moi madame mais j'ai pas d'argent.
-j'm'en fou, monte vite... Pour toi, beau gosse, ça s'ra gratuit !»
Texte 1998