Les vins de distillation
Les vignes d’Ugni-blanc dans leur majorité donnent un vin d’un degré alcoolique faible (au alentour de 9% vol) et d’une acidité élevée (5g/l d'ac.sulfurique) offrant ainsi une conservation naturelle et permettant par sa distillation, la concentration de nombreux composés aromatiques. Le cahier des charges de l'appellation autorise la distillation des vins d’un TAV compris entre 7% et 12%. L’acidité volatile ne doit pas dépasser 12,25 g/l. Le sucrage et le sulfitage des moûts sont interdits. Le SO2 présent dans le vin, se retrouverait concentré lors de la distillation et donnerait des eaux-de-vie de Cognac impropres à leur consommation. Les vins présentant des risques de conservation peuvent être sulfités à très faible dose dans le cas où leur mise en chaudière se ferait tardivement. Dose maximale : 4g de SO2/l.
La fermentation alcoolique
Lors de la fermentation alcoolique, les levures (Saccharomyces cerevisiae ) présentes dans le moût dégradent les sucres en alcool (éthanol). Au cours de cette fermentation (d’une durée qui varie entre 4 et 8 jours) la quantité de sucre que contient le jus de raisin diminue et parallèlement le volume d’alcool augmente pour donner au final le vin (avec des sucres résiduels inférieurs à 2 grammes par litre). Au cours de ce processus fermentaire, du gaz carbonique se dégage et la température du moût dégradé augmente. De manière générale on constate une élévation d’un degré Celsius pour un degré d’alcool produit. C'est-à-dire qu’un moût qui titre 10% de TAV (Titre Alcoolique Volume) à une température d’encuvage de 20° Celsius finira sa fermentation alcoolique à 30 degrés Celsius (10% TAV + 20°C). C’est pourquoi le maitre de chai lors de la réception de la vendange doit systématiquement contrôler la température des moûts les années de fortes chaleurs. Au moment où les températures de fermentation dépassent le seuil critique de 30° Celsius, le vinificateur court le risque de voir apparaître dans ses cuves un arrêt fermentaire. Bien entendu les installations vinaires pourvues de système de refroidissement permettront de continuer à récolter des jus chauds qui seront ensuite refroidis pour fermenter entre 22 et 24° Celsius (température idéale pour les vins de distillation). Passé 30° Celsius, les levures se trouvent inhibées et ne peuvent plus travailler correctement, si la fermentation n’est pas achevée, les sucres résiduels présents dans le vin peuvent être alors dégradés non plus par les levures mais par les bactéries acétiques et lactiques. Dans ce triste cas, l’acidité volatile monte en flèche et le vin se pique comme du vinaigre !
A l'inverse les années froides, le problème est de rentrer au chai des moûts à une trop basse température. En dessous 14°C, les levures se retrouvent inhibées, il faut alors réchauffer ou assembler les moûts avec des moûts plus chauds en début de fermentation pour amplifier l'activité des levures avant celle des bactéries !
Le levurage
Le maitre de chai utilise aujourd’hui des levures sèches actives (LSA) sélectionnées pour la fermentation des vins de distillation. L’objectif, ici, consiste à réactiver les levures déshydratées et de les incorporer dans le moût à l'encuvage. L'absence de SO2 augmente la difficulté d’implanter dans le milieu les LSA puisque les levures indigènes (présentes naturellement dans le moût) peuvent se multiplier et entamer la fermentation.
Les levures indigènes peuvent être de bonnes levures pour la réalisation de vins à Cognac. Cependant, en réalisant un levurage le maitre de chai s’assure en pratiquant un levurage rapide, une parfaite fermentation (en respectant les conditions nécessaires à la bonne FA). Le levurage permet ainsi d’obtenir des vins présentant le profil souhaité (maitrise de la formation de certains composés volatils) à la réalisation d’eaux-de-vie de Cognac.
Le choix des LSA complété par une dose correcte de la quantité d’azote dans le moût peut favoriser une production d’esters qui renforcera l’intensité aromatique (fruitée et florale) des eaux de vies nouvelles.
L’ajout d’azote dans le moût
Pour bien fermenter les levures ont besoin d’azote, autre élément principal de leur alimentation. Dans certains cas, les moûts se trouvent carencés en azote, il faut donc corriger cette carence par un ajout d’azote pour améliorer la multiplication des levures dans le but d’assurer le bon déroulement de la cinétique fermentaire.
La fermentation malolactique
La fermentation malolactique est le résultat de la transformation de l’acide malique en acide lactique sous l’action des bactéries lactiques. Si elle est particulièrement recherchée pour la vinification des vins rouges (stabilisation et assouplissement du vin), elle n’est pas indispensable pour les vins de distillation même si des maisons de négoce considèrent qu’un vin blanc ayant subit sa fermentation malolactique donnerait de meilleur eaux de vie. Ceci étant, tous s’accordent à dire qu’il faut éviter de mettre en chaudière des vins en cours de fermentation malolactique. Les vertus de cette fermentation sont d’offrir une meilleure stabilité microbiologique des vins (en diminuant l’acide malique, principal substrat des bactéries) et de faire baisser par deux les teneurs en éthanal (produites par les levures lors de la fermentation alcoolique) parfois trop importantes dans les vins.
Cependant, une température de 18°C est nécessaire pour que cette fermentation puisse s'enclencher et il arrive parfois que les températures froides après FA ne le permettent pas.
La conservation des vins de distillation
La bonne conservation des vins de distillation repose sur un schéma simple mais strict.
L’hygiène vinaire doit être parfaite, les cuves doivent être dégravelées puis désinfectées avant d’y recevoir le moût ou le vin.
Lorsque le vin a achevé sa fermentation, la cuve dans laquelle il est stocké est alors ouillée. Il faut donc faire le plein du cuvier dans le but de chasser l’air responsable de l’oxydation. L’idéal est d’avoir une cuve dotée d’une cheminée qui permettra de limiter les risques d’oxydationlorsque le vin se tasse. Le contrôle des pleins de cuves devra être surveillé attentivement. Ainsi l’absence de dioxyde de soufre (ou sa très faible utilisation les années à risque) accentue la difficulté de la conservation du vin dans le temps.
La qualité du vin stocké dépend du millésime et du moment où le raisin a été récolté. L’acidité et par conséquence le pH du vin de distillation joue un rôle primordiale dans sa conservation. Plus le raisin murit et plus son acidité chute. Le raisin entrant dans l’élaboration de vins de distillation est pour cette raison récolté avant la maturité phénologique. C'est-à-dire que le raisin est coupé avant que sa teneur en sucres soit à son apogée. En général, la moyenne des degrés varie entre 8,5 et 9,5° TAV. La date de début de vendange résulte d’un compromis entre le TAV, l’acidité, l’état sanitaire et le délai de récolte entre le début et la fin des vendanges. Pour toutes ces raisons, le viticulteur qui récolte en trois semaines la totalité de son vignoble devra commencer un peu plus tôt pour ne pas finir trop tard. L’objectif étant d’avoir une moyenne de vins présentant suffisamment d’acidité.
Si le choix de soutirer les vins après fermentation est retenu, alors il faudra dans ce cas procéder au soutirage juste après la fermentation complète du vin. L’objectif est de garder le gaz carbonique (antioxydant naturel) et de ne pas attendre pour soutirer que le vin fini se décharge de son gaz carbonique.
Le dioxyde de soufre
Le dioxyde de soufre a pour propriété de diminuer les risques d’oxydation et d’annihiler le développement de l’activité bactérienne du vin. Contrairement aux autres régions viticoles de France, l’adjonction de dioxyde de soufre (SO2) dans le moût est formellement interdite. En revanche le cahier des charges concernant l’appellation du Cognac autorise l’ajout de 4 g de SO2 dans le vin pour assurer sa conservation.