Sans trembler

Publié le par Alambic City

Photo de Sarah Jarret

Photo de Sarah Jarret

Dans la gazette de l'AFIA, une personne issue du monde rural manifeste son inquiétude envers les évolutions agricoles, en accusant le développement de la mécanisation et l'utilisation de la chimie d'être responsables des effets désastreux observés sur la biodiversité depuis plus de 50 ans. Face à ce constat pessimiste, il s'intérroge alors sur le bien fondé des progrès de l'agriculture. Guy Waksman, président de l'AFIA, lui répond sans trembler. Puis, l'agronome, Robert Blondel, dans sa contribution, fait part de son expérience de 40 ans et nous livre, à son tour, une vision plus optimiste du progrès...
 
Quels progrès ???

Je lis avec plaisir toutes les informations concernant l’évolution des méthodes et du monde Agricole, je suis un rural, vivant dans un village de 800 âmes, j’ai passé ma jeunesse à faire les moissons, dès l’âge de neuf ans ,je conduisais le tracteur, j’ai donc connu et vécu la considérable évolution du monde paysan; cependant, j’ai pu constater les dégâts immenses et probablement irréversible de l’environnement: disparition ou quasi disparition des perdrix, des cailles, des faisans, des alouettes, et, depuis quelques années, des abeilles, des pigeons ramiers, des corbeaux, des pies des geais.

En cinquante années, je mesure l’étendue des dégâts, nos campagnes deviennent des déserts biologiques, même les agriculteurs, partisans de ce progrès, eux aussi meurent de ces maladies qui n’existaient pratiquement pas il y a de cela 60 ans, alors pouvez-vous encore affirmer avec aplomb que nous vivons un progrès ?

Les produits qui sont à disposition du monde agricole, cachent leur effarante toxicité sur des étiquettes trop illisibles !

Dans les essais sur la toxicité des produits sur les abeilles, les
agriculteurs qui rendent compte de perte de ruches sont systématiquement éliminés des futurs essais, de peur que leurs expériences rendent méfiant les autres apiculteurs, ne pensez-vous pas que de telles pratiques de la part des firmes agrochimiques devraient être condamnées par ceux qui emploient ces produits si nocifs ?

Enfin pouvez-vous me soutenir sans trembler que la disparition des agriculteurs, des pigeons, des perdrix, etc. sont des dommages collatéraux.

Sincères salutations.

Albert GUIGNARD

La réponse de Guy Waksman, de l’AFIA

Oui, je soutiendrai sans trembler que nous vivons ici mieux et plus longtemps que dans 99 % des pays de cette planète, que l’extension des villes et zones commerciales a fait plus de dégâts irréversibles que la destruction des haies qu’il est assez aisé de recréer (voir l’agroforesterie), que nos procédures d’essais des produits phytosanitaires n’ont pas cessé de s’améliorer, que beaucoup de gens qui se prétendent apiculteurs, ne le sont pas vraiment et ont eu des conduites souvent irresponsables, que la petite exploitation, c’est très bien à condition qu’elle puisse grandir, et qu’elle ne reste pas un lieu de l’exploitation (involontaire !) des femmes et des enfants, et qu’enfin (pour faire bref), nous pouvons rechercher ensemble des compromis raisonnables qui permettent à tous de travailler et vivre dans des conditions correctes.

Guy Waksman

Le progrès, les regrets et les espoirs, par Robert Blondel
Comme vous je suis témoin de la disparition d'espèce autrefois fréquentes : toute une gamme de papillons diurnes, et bien des batraciens comme les tritons et salamandres, etc. Avant je jeter l'anathème sur les produits chimiques accusés d'empoisonner notre environnement, je tente de comprendre le "pourquoi" de ces disparitions.

D'autant que je les observe même dans des régions de moyenne montagne de l'Auvergne, qui n'ont guère souffert de l'intensification de l'agriculture et de ces diables de pesticides puisque les agriculteurs en sont partis, laissant place à une occupation semi-extensive du pâturage et à l'envahissement par les ronces, fougères, genêts précurseurs de la forêt. Là les seuls pesticides qu'on utilise sont ceux des colliers aux cous des chiens.

Mais avant même l'apparition de la "chimie" les pratiques ont changé. Passer de la faucille à la faux, de la faux à la barre de coupe, et de la fourche au round-baller ne va pas sans simplification excessive de la faune (rongeurs et jeunes oiseaux finissant dans la machine) et de la flore. Et donc : simplifier ou supprimer des bords de champs à la flore complexe, c'est supprimer la pitance des chenilles qui donnent les papillons. De ce côté la gestion de la fauche (devenue aussi redoutable qu'Attila) et le remplacement des anciennes bordures approximatives de prés et champs par des barbelés ou des clôture électriques a certainement un effet. Effet négatif pour la biodiversité puisque l'environnement a changé (ou, en logique darwinienne, naissance d'une autre biodiversité...).

Pour tout ce qui concerne les batraciens le problème est, je crois, observé au niveau planétaire (même dans la forêt amazonienne) et semblerait lié à des maladies nouvelles de la peau.

Et le progrès, dans tout ça ? Je ne me prononcerai pas, il serait prudent de demander à ceux qui ont voulu soit changer les conditions épuisantes de leur travail rural, soit le fuir, de se prononcer.

J'ajoute que, agronome moi-même, sur quarante ans de métier (en Bretagne) j'en ai passé les dix premières à optimiser la production et les trente dernières à contribuer à l'évolution des pratiques pour concilier un juste revenu des agriculteurs et des pratiques respectueuses de l'environnement. Avec beaucoup d'autres collègues, et dans la mesure de mes moyens.

Donc je soutiens sans trembler qu'en 2014 comme en 1964 et comme en 1600 (clin d'oeil à la mémoire d'Olivier de Serres) les hommes de bonne volonté font ce qu'ils peuvent, que ce n'est pas parfait et que je continue à croire en celles et ceux qui se battent pour que demain soit meilleur qu'aujourd'hui.

Robert Blondel

Sources

Publié dans Pesticides & OGM

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S
J'ai connu, dans les années 1960, comme médecin de campagne, l'état sanitaire des populations rurales. Je les ai retrouvées trente ans plus tard, après un passage par la ville et la spécialisation, une fois retraité. Je n'étais pas guéri du virus de la campagne! Ceux qui sont encore exploitants agricoles ont une santé et une longévité normales.
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A
Trop bien les commentaires pro nucléaire et gaz de schiste...<br /> non polluant... Ah ah ha... et sans danger... Oh oh oh<br /> <br /> Et NON Monsieur, je ne met pas d'insecticide dans MA maison... et si je ne suis pas envahie de moustiques c'est parce que j'ai aussi des grenouilles et des araignées (au plafond).<br /> Les compagnies de la chimie du glyphosate nous préparent une version sans danger! nous sommes sauver!<br /> Et oui, le cancer se soigne aussi sans chimio, sans rayon et sans chirurgie... faut le vivre pour le croire!
A
Si le pétrole devient rare, nous n'aurons pas d'autre choix que de nous diriger vers un autre type d'énergie. L'électricité arrive aujourd'hui à faire avancer des automobiles non ? Le nucléaire a cet avantage d'être moins polluant. Je rêve d'une énergie abondante et renouvelable qui remplacerait les énergies fossiles : l'eau ! En attendant, si le réchauffement climatique se vérifie (rien n'est moins sûr...) alors engageons la recherche sur une autre énergie abondante (dans certaines régions du globe) : le soleil.<br /> Il serait aussi intéressant de « vouloir savoir » le stock potentiel du gaz de schiste. Là encore, aujourd'hui on refuse d'envisager, mais il n'est pas exclu que l'on «tape» dans ces ressources dans un futur proche. Il faut quand même être sérieusement inconscient de penser que l'on ne creusera jamais pour déterrer l'or qui se trouve sous nos pieds...<br /> <br /> &quot;Y a-t-il vraiment un risque d’épuisement des ressources ?&quot;<br /> http://www.pseudo-sciences.org/spip.php?article2185
A
Et aujourd'hui, nous sommes devenus totalement dépendants du pétrole pour la production comme pour la distribution.<br /> <br /> La probabilité n'est malheureusemetn pas très élevée que nous trouvions à temps un carburant similaire en prix et en densité :-/<br /> <br /> &quot;Le pic, c'est encore loin papa ?&quot;<br /> http://www.manicore.com/documentation/petrole/pic_passe_petrole.html
A
Voilà un témoignage plutôt rassurant, mais votre discours n’est pas alarmant, il ne sera donc pas entendu…<br /> Concernant la biodiversité, dans ma région, depuis la tempête de 1999, les sangliers et les chevreuils sont en augmentation, un peu trop nombreux à mon gout d’ailleurs. Récemment, un garde forestier me disait qu’il constatait depuis plusieurs années, le retour de certains gibiers, papillons et oiseaux. Je remarque à cette période, la présence importante de coccinelles dans des parcelles de vignes. Non les paysans n’ont pas tout tué !<br /> Mais à propos, le frelon asiatique ne fait-il pas partie de la biodiversité ? De quel droit, les apiculteurs lui font-ils la guerre ? Sans doute qu’une ruche sans abeille, c’est aussi une ruche sans miel. Comme les cicadelles des grillures attaquent le feuillage des vignes dans certains secteurs boisés au mois d’aout, le frelon asiatique peut paraitre envahissant et dangereux pour les abeilles comme pour les hommes… Je protège ma vigne et la future récolte contre ses nombreux agresseurs, mais autrement, je n’ai aucune aversion envers les insectes ou les champignons cryptogamiques. Rassurez moi, je ne suis pas le seul à accueillir les moustiques à coup d’insecticide dans mon habitation ?<br />                                                                         <br /> Je viens de lire un article paru dans l’institut Economique Molinari : Comment les hydrocarbures ont terrassé le troisième cavalier - Transports modernes et sécurité alimentaire<br /> <br /> A lire !<br /> http://www.institutmolinari.org/comment-les-hydrocarbures-ont,1851.html