La distillation charentaise
Contrairement à la distillation continue à colonne qui est utilisée pour l’élaboration de la vodka et d’une majeure partie du
whisky, la distillation charentaise est obtenue en deux temps. Cette distillation continue ou double distillation est aussi appelée à repasse. Elle s’effectue en deux chauffes
successives au moyen d’un alambic artisanal : l’alambic charentais. Ce procès de distillation permet d'obtenir des eaux-de-vie d'une intensité aromatique complexe et d'une grande
finesse.
Comment ça marche ?
Le principe de la distillation est un procédé de séparation qui consiste ici à chauffé un mélange hydro-alcoolique (le vin ou le brouillis) dont les
températures d’ébullition sont différentes. Le point d’ébullition de l'éthanol est de 78°C alors que celui de l’eau est de 100°C. C’est par cette différence d’ébullition que la concentration
alcoolique du vin puis du brouillis sont obtenues. Sous l’effet de la chaleur, les substances se vaporisent successivement, et la vapeur obtenue est liquéfiée pour donner le distillat : le
brouillis et le cœur de bonne chauffe.
Au cours se la distillation, des reflux se créent dans la chaudière et le chapiteau, les acides gras et les composés soufrés sont retenus par les parois
cuivrées, c’est la phase de rectification où les substances volatiles entraînées par l’alcool sont alors triées, neutralisées, épurées. Une transformation apparaît également à ce stade, en
formant des produits aromatiques qui ont une incidence sur la saveur des eaux-de-vie.
Description
Le cuivre est le matériau qui constitue l’alambic. Ce métal est martelé ou laminé pour le renforcer et le rendre lisse afin d’éviter l’accrochage des
particules de lies responsables des goûts de « rimé ».
Mais le cuivre à été choisi aussi pour d’autres raisons :
Sa malléabilité permet au chaudronnier de le travailler facilement.
Sa bonne conductivité de la chaleur fournie en un point de la chaudière (le foyer) se répartit sur toute la surface, limitant ainsi les
points de surchauffe et le phénomène de « rimé ».
Il résiste bien à la corrosion et intervient sur la qualité en combinant certaines substances désagréables notamment les composés
soufrés et les acides gras.
La chaudière
L’INAO réglemente les caractéristiques de l’alambic charentais.
La capacité de la chaudière ne doit pas dépasser 30 hl dont 25 de charge. Cette différence permet de tenir compte de l’expansion du liquide pendant la
distillation.
Toutefois des capacités supérieures peuvent être utilisées pour la chauffe de vin dans la mesure où elles ne dépassent pas 140 hl dont 120 hl de
charge.
Le chauffage se fait à feu nu et de TAV des eaux-de-vie ne doit pas dépasser 72% vol.
Le chauffage au gaz utilise des brûleurs type torche, semi radiant ou radiant.
La chaudière est de forme droite ou oignon (la plus courante). La forme oignon possède un fond bombé qui facilite le vidage et l’hygiène.
Le chapiteau
Il est destiné à canaliser les vapeurs et permettre un recyclage dans la chaudière d’une partie des vapeurs sous forme liquide (les reflux). C’est la phase de rectification. Les chapiteaux anciens dits « tête de Maure », les formes olive ont un pouvoir rectificateur limité. Les formes oignon rectifient davantage.
Le col de cygne
Il canalise les vapeurs vers le serpentin et intervient dans la rectification. Les vapeurs, une fois passées le serpentin se retrouveront condensées au porte alcoomètre, la rectification des vapeurs s'achèvent donc après cet élément.
Le chauffe vin
Il permet de préchauffer le vin en récupérant des calories entre le col de cygne et le serpentin. Sa capacité est égale à la charge de la
chaudière.
Les températures de préchauffages se situent aux alentours de 30 et 40°C.
Le chauffe vin est un élément de la distillation facultatif, toutes les installations n’en sont pas équipées.
Il convient de réchauffer le vin le plus rapidement possible afin de limiter son oxydation. Mal utilisé, il peut entraîner des goûts de cuits et une
perte aromatique des eaux-de vie.
Le serpentin
Il condense les vapeurs et refroidit le distillat.
Pour une chaudière de 25 hl sa longueur est de 65 m avec un diamètre d’entrée de 8,5 cm et de sortie de 4 cm.
Il est équipé d’un reniflard pour la mise à l’air de l’alambic.
La pipe de refroidissement
Elle contient l’eau pour la condensation et le refroidissement des distillats.
L’eau arrive en partie basse, on observe un gradient de température de 10°C en bas à 70-80°C en haut. Les alcools se condensent sur un seul tour de
serpentin. Les installations sont généralement équipées de système de refroidissement. L’eau refroidie arrive à une température comprise entre 7 et 9°C à l'entrée du condensateur. L'eau chaude en
sortie de pipe, est ensuite refroidie pour être réintroduite dans un circuit fermé ou dans l’autre cas l’eau perdue doit être refroidie avant de retourner dans la nature.
Le porte alcoométre
C’est au porte alcoomètre qu’a lieu la séparation et les prélèvements de fraction de distillat. C’est à ce niveau que les substances volatiles indésirables s’évaporent (éthanal, acétate d’éthyle,…).
Situé à la sortie du serpentin, il permet :
- de mesurer le TAV du liquide.
- de recevoir un thermomètre ou une sonde de température pour la régulation de l’eau.
- d'effectuer une mise à l’air de l’alambic.
- d’évacuer le liquide vers un fût ou un bassin.
- de filtrer le liquide en retenant ainsi les complexes cuivre-acides gras retenu par un filtre métallique.
- d’effectuer un prélèvement du liquide.
La vanne de détour du chauffe vin
Cette vanne permet de faire passer les vapeurs vers l’intérieur du chauffe vin ou de les dévier à l’exterieur du chauffe vin. La vanne peut être motorisée dans les installations automatisées, couplée à un ordinateur de bord, celle-ci s'enclenche automatiquement au moment choisi par le distillateur.
La vanne de vidange du chauffe vin
Elle permet de remplir la cucurbite par simple gravité.
La gargousse
C’est une vanne qui permet de vidanger la cucurbite par gravité.
Le robinet d’évent
Il assure une prise d’air nécessaire lors de la vidange et le remplissage de la chaudière pour éviter son implosion.
Le vocabulaire technique
Les têtes
Premières fractions de distillat (brouillis ou bonne chauffe) qui coulent au porte alcoomètre
Le brouillis
Distillat obtenu lors de la chauffe de vin (première chauffe) et titrant de 27 à 35% vol%.
Les queues
Fraction de distillat de fin de distillation (1er et seconde chauffe).
Les flegmes
Regroupement des têtes et des queues.
Les vinasses
Résidus de distillation appauvris en alcool (2%), riches en potasse et très acide, elles sont épandues dans les champs agricoles ou livré à un organisme pour traitement.
Le coeur
Eau-de-vie titrant 72% vol. obtenue après les têtes et jusqu'à la coupe à 60% avant le coulage des secondes.
La coupe à 60%
Séparation entre le coeur et les secondes
L'eau-de-vie
Alcool obtenu par distillation de jus fermenté de fruits, de plantes ou de graines de céréales.
Spiritueux
Une boisson spiritueuse est une boisson alcoolisée obtenue par distillation, par macération ou par infusion de matières premières agricoles. Ces procédés de fabrication distinguent les spiritueux des boissons alcoolisées produites par fermentation (bière, vin, cidre).
Les boissons spiritueuses se divisent en deux grandes familles :
les boissons spiritueuses « simples », plus couramment appelées eaux-de-vie, dont le goût provient directement du processus de distillation (rhum, whisky, tequila, etc.) ; les boissons spiritueuses « composées », dont le goût est issu de substances végétales, sucre ou arômes, ajoutées à un alcool neutre ou à une eau-de-vie (anisés, vodka, liqueurs, etc.).
Certaines sont vieillies en fût. Elles se consomment seules ou en mélange (cocktails).
Selon la législation européenne, une boisson spiritueuse présente un titre alcoométrique volumique minimal de 15% vol.(Source Wikipédia).
La charge de la chaudière
C'est le moment où le distillateur après avoir coupé le feu, vide sa chaudière pour la remplir de nouveau en vin ou brouillis.
La mise au courant
La mise au courant correspond au moment où les vapeurs d'alcool arrivent en haut du col de cygne. Cet instant est souvent signalé par la chute d'une boite de conserve collée à la bougie sur le col de cygne ou par une de température repère sur le col de cygne (67° - 70°C). Au moment de cette mise au courant, Le distillateur réduit le feu du foyer afin que les vapeurs arrivent doucement au porte alcoomètre pour le coulage des têtes.
De la patience...
Trois chauffes de vin donnent un volume de brouillis suffisamment important pour être redistillé : la bonne chauffe.
La bonne chauffe est le résultat de la distillation du brouillis. Le coeur de bonne chauffe, l'eau de vie de cognac représente 10% du volume du vin distillé.
3 chauffes de vin de 12 heures = 36 heures
1 chauffe de brouillis en 12 heures
Total = 48 heures.
La première chauffe : Obtention du brouillis.
Lors de la première chauffe, la composition de la première charge peut être la suivante :
- Vin
- Vin + flegmes (têtes + queues)
- Vin + tête + secondes
Les flegmes n'excèdent pas 15% du volume total.
1. Le vin est porté à ébullition.
2. Les vapeurs d’alcool se dégagent, s’accumulent dans le chapiteau, les plus volatiles s’engagent les premières dans le col de cygne.
3. Les vapeurs arrivent à la hauteur du col de cygne, c'est la mise au courant où le feu du foyer est réduit dans le but de trier les composés entraînés
par l'alcool.
4. Au contact de l’eau froide, elles se condensent pour s’écouler sous forme de brouillis. Le brouillis coule à une température voisine de
13°C.
5. Ce liquide légèrement trouble, titrant de 28 à 35 % vol., est versé dans la chaudière pour une seconde distillation.
La deuxième chauffe : Le coulage du cœur de bonne chauffe.
Pour la deuxième chauffe, la composition est la suivante :
- Brouillis
- Brouillis + secondes
- Brouillis + une partie des secondes
Lorsque l'on ajoute des secondes dans le brouillis, leur pourcentage ne doit rester en dessous de 30% du volume total.
1. Le brouillis est porté à ébullition.
2. Les vapeurs d’alcool se dégagent, s’accumulent dans le chapiteau, les plus volatiles s’engagent les premières dans le col de cygne.
3. Les vapeurs d’alcool arrivent dans le serpentin.
4. Les vapeurs circulent dans le serpentin et se condensent pour s’écouler en suite au porte alcoomètre.
5. Coulage des têtes de bonne chauffe entre 15 et 30 mn (1 à 2% du vol mis en chaudière).
6. Coulage du coeur de bonne chauffe entre 5h30 - 6H00 (1/3 du volume mis en chaudière). Le coeur de bonne chauffe coule à une température voisine de 18°C.
7. La coupe à 60%vol du cœur de bonne chauffe.
8. Le coulage des secondes de 60%.
9. La coupe des secondes et le début du coulage des queues de secondes.
10. Fin de la distillation à 2% alcool. (4H00 après la coupe à 60%).
Au tout début de la 2ème chauffe, les premiers litres de têtes de bonne chauffe qui titrent entre 82 et 78% sont écartés. Les
têtes ne représentent que 1 à 2% du volume.
Tout au long de la distillation, la teneur en alcool diminue progressivement. Après les têtes, coule le cœur d' eau-de-vie claire et
limpide qui deviendra le Cognac obtenu dans un délai de 5h30 - 6h00. Le cœur s'arréte de couler après la coupe à 60%, le distillateur augmente alors l'allure de chauffe pour le coulage des
secondes.
Les secondes et les queues seront recyclées lors d’une prochaine chauffe dans le vin ou le brouillis.
Le coeur de bonne chauffe est par la suite stocké en en fût de chêne où il commencera son vieillissement. Les cycles de distillation se succèdent sur
des périodes de 12 heures environ. Le distillateur doit surveiller le bon déroulement des chauffes. Il contrôle le débit de son feu, les délais des fractions de distillation, les
températures de coulage des distillats. En intervenant sur des techniques de distillation, le distillateur donne une personnalité particulière et singulière à ses eaux-de-vie. Le terroir, la
qualité des vins distillés et la méthode de distillation constituent une chaîne qui confère au cognac les éléments de sa personnalité.
Les méthodes de distillation
Hennessy |
Martell
|
Remy-Martin |
Distillation des vins avec leurs lies fines. Secondes mélangées avec les brouillis (30%) Têtes et queues recyclés avec les vins.
|
Distillation du vin clair (sans lies). Secondes + têtes recyclées dans le vin. Prélèvement de têtes faible, pas de queues. Aucune avance de brouillis. Lorsque le degré des vin est élevé, le degré des brouillis est élevé.
|
Distillation de vin avec la totalité des lies (vins non soutirés). Secondes recyclées dans le brouillis. Têtes et queues redistillées avec le vin.
|
Chauffe de vin : charge 25 hl
|
||
Têtes : 5 à 10 litres Brouillis : 750 litres Queues : 100 litres Vinasses : 16,4 hl |
Têtes : 1 à 2 litres Brouillis : 900 litres Queues : 0 litres Vinasses : 16 hl |
Têtes : 2 à 5 litres Brouillis : 700 litres Queues : 100 litres Vinasses : 16,9 hl |
Bonne chauffe : charge 25 hl
|
|
|
Têtes : 15 à 25 litres Coeur : 680 litres Secondes : 650 litres Queues : 100 litres Vinasses : 10,7 hl |
Têtes : 37 à 50 litres Coeur : 720 litres Secondes : 600 litres Queues : 0 litres Vinasses : 11,3 hl |
Têtes : 5 à 20 litres Coeur : 700 litres Secondes : 650 litres Queues : 130 litres Vinasses : 10,2 hl |
Ces données sont des valeurs indicatives.
Bibliographie
Chambre infos-16 - Juillet 2007 - Patrick Vinet.
L'encyclopédie du Cognac.
R.Léauté, M. Cameil, R. Narcisse, R. Cantagrel - 1988 - "La distillation charentaise" - Document de synthèse, unuversité des Eaux-de-vie de Segonzac.