Le bon sens paysan
Comme chaque mercredi, en fin de matinée, nous avons eu notre réunion bout de vigne pour faire le point sur l’évolution des maladies (mildiou et oïdium). Cette année, le millésime est sacrément précoce avec trois semaines d’avance par rapport à une année normale. Les conditions climatiques, nous ont permis de ne pas traiter jusqu'à aujourd’hui sur le cépage Ugni blanc alors qu'habituellement on compte au moins deux à trois traitements selon les situations. Si le temps sec de ce début de printemps ne s’annonce pas propice au développement du mildiou il en est différemment pour l’oïdium. Si la modélisation du mildiou est bien maîtrisée, celle de l’oïdium est incertaine et il est dans ce cas plus prudent de s’en remettre à notre bon sens paysan qui nous dit que cette saison chaude (temps sec, vent, humidité le matin) va souvent de pair avec cette maladie bien connue dans le sud de la France. Le stade boutons floraux séparés approche sur le cépage Ugni blanc et la forte réceptivité de l’oïdium à ce stade va nous amener à traiter en priorité cette maladie que nous ne connaissons pas bien.
Marie Hélène est venue nous montrer comment procéder à la mesure de la surface foliaire afin d’appliquer la modalité Optidose qui vise à employer la quantité de produit la plus juste sur la végétation de nos vignes. Jusqu'à présent, sur l’exploitation nous étions déjà dans une démarche de réduction de dose qui reposait essentiellement sur une maîtrise d’une bonne qualité de pulvérisation. En effet, c’est après être passé d’une pulvérisation avec des atomiseurs aéroconvecteurs (la moitié des rangs étaient traités) à des appareils pneumatiques en face par face où tous les rangs sont traités (les gouttelettes sont plus petites qu'avec l'aéroconvecteur et ciblent mieux la végétation en générant moins de perte dans l'atmosphère) que nous avons commencé à réduire de façon significative la quantité de produits phyto sans constater des attaques plus importantes sur ces parcelles. La qualité de traitement est capitale mais le produit utilisé et le moment où il se trouve appliqué sont autant d’éléments qui conditionnent le résultat de la protection.
Marie Hélène prend les mesures de la surface foliaire.
Après avoir relevé les mesures de calcul du volume de surface foliaire, une application mise en ligne sur internet (libre d’accès) va nous permettre de connaître la réduction de la dose à appliquer par rapport à la dose à laquelle les produits sont homologués. Après avoir rentré les mesures du feuillage, donné l’écartement de la parcelle, précisé le stade phénologique actuel de la vigne et le nom de la commune concernée (qui nous indique le niveau de pression du mildiou et de l’oïdium), la réduction de la dose à appliquer est calculée.
Le pourcentage de la dose à appliquer par le logiciel de l'Institut Technique de la Vigne et du Vin donne un résultat de 70% en oïdium et 30% en mildiou. C'est-à-dire qu’un Tebuconazole homologué à 0,4 litre à l’hectare ne sera appliqué qu’à 0,28 litre dans ce cas pour l’oidium.
Cette mesure va permettre si elle s’avère efficace (le but étant de traiter moins avec le même niveau d'efficacité) de mettre moins de produits phytosanitaires sur le sol et dans l’air, de réduire nos coûts de protection pour à la fin se retrouver en phase avec la volonté du Grenelle de l’environnement qui a pour ambition de réduire la quantité des produits phytosanitaires de 50%. Sur mon exploitation qui pratiquait déjà la réduction des doses, je nous vois mal réduire beaucoup plus cette quantité de produits sans répercussion sur l’état sanitaire du vignoble. Nous allons continuer à prendre des risques de manière raisonnée et pousser un peu plus loin les réductions de dose dans la mesure où on ne le juge pas trop risqué... A la fin, on veut quand même vendanger un raisin sain !