Des choix en politique

Publié le par Alambic City

Des choix en politique

Lettre numéro 75 de la SCM - Septembre 2016
Editorial par Bernard Beauzamy

 

Pour être élu, un homme politique doit évidemment faire approuver son programme par une majorité d'électeurs. Beaucoup pensent que plus ce programme sera vaste, meilleure en sera la popularité. Il n'en est rien : nous allons voir, de façon mathématiquement irréfutable, qu'un programme vaste conduit immédiatement à l'échec, tandis qu'un programme extrêmement restreint conduit au succès électoral.

Ceci est clairement illustré par l'exemple de Mme Hidalgo, maire de Paris. Son programme ne comporte qu'un seul thème : bouter l'automobile hors de Paris, thème qu'elle arrange à toutes les sauces, si l'on ose dire (restrictions de stationnement, de circulation, interdictions à certaines catégories, etc.: nous en parlons plus loin). Elle s'adresse à une clientèle électorale qui le considère comme important et néglige tous les autres : peu importe que Paris devienne peu à peu une ville musée sans activités ni industries, pourvu que les automobiles soient remplacées par des vélos. Mme Hidalgo sera réélue tant qu'elle se cramponnera à ce thème unique ; elle perdra la Mairie dès qu'elle abordera l'économie, les impôts, etc.

Nous allons développer un modèle mathématique simplifié qui illustre bien notre assertion.

On considère une élection où sont présents deux candidats seulement : nous les notons A et B. On considère que A est favori dans les sondages. Il développe six thèmes dans sa campagne (mettons par exemple l'éducation, les impôts, l'immigration, etc.) et sur chacun de ces thèmes, 70% de la population se retrouve dans les idées de A. On peut penser que, dans ces conditions, A sera évidemment élu : il est largement majoritaire partout.

Il n'en est rien. Admettons que les thèmes soient indépendants, ce qui signifie que les clivages de population ne sont pas les mêmes de l'un à l'autre. Qui est d'accord avec A sur l'ensemble des six thèmes ? Une proportion de 0,70,12 de la population; autrement dit, seulement 12% de la population est globalement en accord avec A sur l'ensemble de ses choix. Et, bien sûr, si A traite un 7ème thème, cette proportion tombe à 0,7 0,08.

On pourra objecter : un électeur votera pour A même s'il n'est pas d'accord avec lui sur l'ensemble de ses choix. Prenons donc le critère suivant : je rejette A (et donc je voterai pour B) si, parmi les propositions de A, il y en a au moins deux qui me déplaisent (sur six). J'accepte d'être en désaccord avec A sur un point, mais deux, c'est vraiment trop. La probabilité que A soit rejeté dans ces conditions est :

 

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Bien que A ait largement la faveur de l'opinion sur chacun des thèmes qu'il défend (ici 6, avec taux d'adhésion de 70% pour chacun), il sera battu, parce qu'il aborde trop de thèmes et que les électeurs sont sensibles aux désaccords.

Le concept d'indépendance est ici essentiel. Il signifie que les choix des électeurs ne sont pas automatiquement les mêmes d'un sujet à l'autre. A l'inverse, limitations de vitesse et restrictions de circulation sont clairement dépendants, ce qui explique le succès de Mme Hidalgo (succès tout à fait mérité, et que nous ne contestons en aucune manière). Les candidats aux élections ont le sentiment qu'ils doivent multiplier les prises de position et les promesses. Ce faisant, ils s'aliènent automatiquement une partie de leur électorat, à chaque fois qu'ils prennent position. En langage simple, ils parlent trop, et chacun sera d'accord là dessus, sans que le moindre modèle mathématique soit utile.

Comme disait La Fontaine (le Chat et le Renard) :

Le trop d'expédients peut gâter une affaire ;
On perd du temps au choix, on tente, on veut tout faire.
N'en ayons qu'un, mais qu'il soit bon.

 

Bernard Beauzamy

Publié dans Politique

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S
Que reste-t-il de ces systèmes électoraux élaborés par des mathématiciens? pas grand chose il me semble. Ce qui en a été retenu est plus simple. Quant aux programmes, effectivement, leur volume ne semble pas un avantage automatique. C'est la personne qui le présente qui compte.
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O
Oui, vous avez raison, le programme politique lors d’une campagne électorale n’est pas l'élément majeur, mais c’est bien la personne qui le porte (ou qui le fait croire !). De toute façon, les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent, car rien n’oblige les candidats qui gagnent les élections d’appliquer le programme qu’ils ont défendu et promis d’appliquer en cas de victoire, et parfois c’est mieux ainsi ! L’absence de contrat envers les citoyens les dispense de respecter leurs engagements, ils ne sont donc pas tenus de remplir une obligation de résultat. On peut d’ailleurs penser que si telle était le cas, les promesses de campagne seraient beaucoup plus modestes. Ce qui me dérange le plus dans cet exercice démocratique, c’est que la majorité des gens ne pensent, ni ne votent comme moi ! En vieillissant, je trouve que les gens sont vraiment très cons ! ;)