Insecticides néonicotinoïdes : les dégâts du principe de précaution
Le principe de précaution poursuit inexorablement sa route : c’est le cas avec les néonicotinoïdes, ces insecticides d’un type nouveau qui ont été interdits au nom de la préservation des abeilles. Alors même que rien ne prouve qu’ils sont à l’origine de leur destruction.
Aujourd’hui, le principe de précaution est omniprésent. Il est devenu une sorte de « passe-partout » universel pour les politiques souhaitant interdire n’importe quel produit. Après l’interdiction des OGM, puis celle du BPA, la France veut maintenant interdire l’ensemble des insecticides de la famille des néonicotinoïdes.
Ainsi, l’Assemblée nationale a voté, en début d’année et dans le cadre du projet de loi sur la biodiversité, l’interdiction à compter de janvier 2016 des produits phytosanitaires de cette famille d’insecticides, accusés de nuire aux abeilles. Le projet de loi va maintenant être examiné au Sénat fin juin.
C’est pourquoi, de tout temps, les agriculteurs se sont efforcés de protéger la récolte au moyen de diverses pratiques et techniques innovantes relevant de la chimie (engrais et pesticides), de la biotechnologie (sélection, croisements d’amélioration) ou de la gestion (rotation des cultures, gestion intégrée des parasites, calendrier et logistique agricoles).
Évidemment, aucune innovation scientifique ne peut prétendre à la perfection. De fait, la question devrait seulement être de savoir si elle engendre effectivement une situation moins problématique que celle qui l’a précédée. C’est à ce genre de question qu’il faudrait pouvoir répondre au sujet des néonicotinoïdes.
En bout de ligne, l’interdiction de ces insecticides - principalement accusés de nuire aux abeilles (dont le problème de mortalité semble pourtant être multi-variable) - va conduire les agriculteurs à les remplacer par des produits a priori moins performants puisqu’ils les avaient justement remplacés. Or justement, il semblerait bien que ces néonicotinoïdes - aussi peu attrayants qu’ils apparaissent - présentent bien des avantages.
Ensuite, ils seraient plus sélectifs dans leur mode d’action que leurs prédécesseurs. « Utilisé comme moyen de traiter les semences ou appliqué au niveau des racines, le pesticide est assimilé par la plante et devient plus dilué au fur et à mesure que la plante grandit, de sorte que les concentrations sont plus faibles dans les fleurs et les fruits des plantes. De loin, on trouve les plus fortes concentrations de néonicotinoïdes dans les tiges et dans les feuilles - là où les insectes nuisibles pour les plantes se nourrissent le plus souvent - et non pas dans les fleurs que les pollinisateurs butinent.
Enfin, un seul traitement des semences suffirait, avec parfois une pulvérisation supplémentaire pour toute la saison, là où avec d’autres produits, il faut multiplier les pulvérisations tout au long de la saison.
Ces améliorations peuvent peut-être sembler négligeables mais c’est pourtant comme cela que les choses progressent, par un processus d’essais et d’erreurs auquel l’application du principe de précaution met un coup d’arrêt brutal.
Fondé sur le risque zéro (autrement dit, l’idée que la perfection est de ce monde) et n’ayant que l’apparence du bon sens, il interdit de facto l’émergence de modes d’action meilleurs ou moins nocifs, en particulier l’application de la chimie et de la biotechnologie aux systèmes agricoles.
Il est important que l’opinion publique comprenne que ces interdictions ne sont pas la solution aux problèmes que nous devons résoudre au quotidien. De cette façon, les politiques auront sans doute une incitation puissante à en faire usage avec modération et à en comprendre les effets pervers.
Cécile Philippe est directrice générale de l’Institut économique Molinari.